mardi 28 décembre 2010

Le grand livre, le libraire et le crétin

D’un livre on peut dire qu’il est grand quand il change son lecteur ou l’état de la
société.

En ce sens assurément « Mediator 150 mg Combien de morts ? » est un grand livre.

Après lui, sans aucun doute, le système de pharmacovigilance en France ne sera plus
le même. Ce livre aura épargné des vies.

Peut-on s’attendre qu’un libraire mette en vente un grand livre ?

Je le crois.

Cet ouvrage a bénéficié du soutien des meilleures librairies. Lisez ci-dessous les
réponses qu’a faites une libraire de chez Kleber aux questions d’un journaliste de
France 3 :

« Il y avait une demande de la part du public. Ce sont des choses qu’on ne dit pas trop.
Qu’on essaie de censurer un livre sur la santé publique, ça reste quelque chose de très
inquiétant comme idée. À partir du moment où un livre est censuré, et qu’on essaie
d’empêcher sa diffusion, on pense que c’est notre devoir d’essayer de le mettre en
vente, de le proposer en tout cas au public.
»

Merci.

Et celles-ci. Savoureuses. D’un marchand de papier imprimé, dans la même ville de
Strasbourg :

« On est ric-rac sur nos budgets, on ne va pas prendre le bouquin d’un petit éditeur
sur lequel on n’a aucune possibilité de retour ni quoi que ce soit sans se dire, bon ça va intéresser au moins quelqu’un. Je veux dire que quand vous êtes libraire, vous voyez une tonne de bouquins qui sortent sans arrêt et la moitié ne trouve aucun preneur.
»

Crétin.

vendredi 12 novembre 2010

Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages

La librairie dialogues a été en France l’une des premières à ouvrir sur son site librairiedialogues.fr un rayon de vente de e-books. Un rayon et non pas l’hébergement du “corner” d’un fournisseur. Un rayon spécifique avec des e-books intégrés à la fiche article des livres de telle sorte que l’internaute puisse choisir en un clic d’acheter le livre soit dans sa version papier brochée ou poche soit au format numérique.

Il est dans l’ordre des choses que les accouchements soient douloureux. Et que les premiers pas soient hésitants. Et donc nous avons accepté les à-peu-près de nos fournisseurs, les informations insuffisantes, ou erronées, voire celles qui dans la même fiche article se contredisaient. Nous avons, dès le premier jour, dit notre hostilité aux DRM. Nous avons, dès les premiers couacs, fait remonter à nos fournisseurs les plaintes des clients mécontents de l’usage limité et frustrant qu’ils pouvaient avoir des livres numériques qu’ils avaient achetés. Ainsi ce mail d’un client canadien : “ Pour ma part c’est la dernière fois que j’utilise ce mode d’achat de manuel que je déteste au plus haut point. C’est inconcevable de penser lire un livre technique de cette façon surtout lorsque le graphique est 2 pages avant. $52 cdn pour rien apprendre sauf de ne plus jamais utiliser e-book et ne plus faire confiance à cet auteur qui pense que tout le monde est malhonnête. Est-il pensable d’avoir (…) une permission avec un code pour pouvoir l’imprimer”. Il dit exactement ce qu’il y a à dire des e-books vendus avec DRM.

 Aujourd’hui, c’est fini. Aller plus loin serait nous rendre complices d’une arnaque au lecteur. Nous arrêtons de vendre des e-books avec DRM. Pour trois raisons :

1. La première raison, fondamentale, celle qui à elle seule m’a fait prendre cette décision est une raison d’ordre éthique. Quand on fait du commerce, acte équitable s’il en est, il ne faut pas prendre son client pour un voleur. Vendre un e-book avec DRM pour que le client acheteur ne puisse pas copier-coller son livre, pour qu’il ne puisse pas en imprimer à loisir tout ou partie, pour qu’il ne puisse pas le prêter, c’est se méfier a priori de ce client. C’est le menotter ou penser a priori que ce client est malhonnête. Prendre un client pour un voleur, ça m’est insupportable. Donc ça suffit. Jouez ce jeu-là messieurs les fournisseurs, mes amis, si ça vous chante. Mais sans ma complicité.

2. Accessoirement, les DRM sont une imbécilité technique. Structurellement, fondamentalement, les DRM, ça ne marche pas. Ca n’a jamais marché. Ca ne pourra jamais marcher. Pourquoi ? Parce qu’une DRM c’est une clé cachée soit dans le logiciel nécessaire pour la lecture, soit sur un serveur. Dans le premier cas (celui des DRM d'adobe), un jour ou l'autre la clef sera trouvée (déjà le cas pour adobe), dans le second, le client est soumis au bon vouloir du fournisseur qui peut décider d'un jour à l'autre de couper le serveur, bloquant ainsi la copie d'un appareil à l'autre (cf. Yahoo Music 2008). Mettre des DRM dans des livres, c’est inciter ceux qui aiment se casser la tête sur des problèmes informatiques à chercher et à trouver un moyen de les supprimer ou de les contourner. Et, évidemment, ils trouvent.

Ceux qui cherchent et trouvent pour la beauté du geste démontrent, ce faisant, l’inefficacité des DRM. Puis il y a ceux qui cherchent parce qu’ils ont l’intention de pirater. Ils trouvent parce que les premiers trouvent. Et donc eux aussi, les voleurs, les DRM ne les embêtent pas.

Il y a une catégorie d’usagers que les DRM embêtent. Ceux qui ne sont pas informaticiens. Et ceux qui ne sont pas pirates. Ceux là s’arrachent les cheveux pour installer le logiciel Adobe Digital Editions d’Adobe permettant de lire un e-book, et ils passent des 20 ou des 30 minutes au téléphone avec notre SAV pour essayer d’installer le machin contre quoi ils pestent. Avec ces gens-là les DRM ça marche ! Hourrah ! Manque de chance ça ne sert à rien. Ils n’avaient pas l’intention de voler. Ni celle de pirater. Ni de disséminer. Mais peut-être de prêter leur e-book comme ils prêtent aujourd’hui leur livre Gutenberg. Car les livres Gutenberg, ces bons vieux livres papier, on les prête à loisir. On peut en photocopier des pages, ou un extrait : pour travailler. Pour illustrer un exposé. Pour inciter à lire. Sans que les auteurs s’en trouvent lésés.

3. Et puis il y a une troisième raison pour laquelle nous arrêtons de jouer à ce jeu des DRM qui ont conduit les major-companies du disque, et avec elles les disquaires, au plus bel harakiri industriel de ces dernières années. Cette troisième raison est en forme de question : à quoi, à qui ça sert les DRM si ça emmerde les honnêtes gens et que ça ne gêne pas les voleurs ? Et si tout ça n’était pas une vaste arnaque des Adobe et autres gros revendeurs en « circuit fermé » (Apple – iPad / Amazon – Kindle) pour empêcher les petits poissons (les libraires trop petits) d’approcher du marché. Car enfin sans DRM (il n’y a plus de DRM sur les fichiers musicaux aujourd’hui) aucun libraire n’a de souci pour vendre des e-books aux clients qui souhaitent en acheter. Des e-books sans DRM, alors lisibles sur n’importe quelle tablette (avec DRM les clients de la fnac vont devoir se souvenir que c'est à la fnac qu'ils ont acheté leur livre. Et s'ils l'ont acheté chez Amazon ils vont devoir se souvenir que c'est chez Amazon, et si c'est chez Apple...Pas simple le progrès technique ! Nous allons continuer à vendre des e-books, bien sûr. Sans DRM, ou filigranés.)

Et pour finir, cette remarque : il paraît que les DRM ça sert à protéger les auteurs, en grand danger d’être pillés, privés de leurs légitimes droits d’auteur. Privés de leur moyen de subsistance. Hum ? est-ce qu’ils se sentent pillés les auteurs quand des lecteurs prêtent leur livre à leur entourage? les incitant à lire cet ouvrage qu’ils ont aimé, multipliant le bouche à oreilles, lequel est la meilleure des publicités. Celle qui fait vendre. Oserai-je être iconoclaste ? Si risque il y a, ce que je ne crois pas – le piratage des disques est plutôt moindre maintenant que l’offre légale est techniquement et économiquement acceptable – est-ce qu’un auteur ne serait pas aussi bien rémunéré avec des droits portés à 20% sur le numérique qu’avec des droits à 5% pour l’édition en poche, même avec un peu de dissémination illégale ?

mardi 22 juin 2010

Dans les nuages

Dans les années 1970 les hypermarchés ont pris place sur le marché du livre, disputant aux libraires leur part du gâteau. Cette part, réelle, est restée limitée. Dans l’univers numérique (aujourd’hui une petite part du marché du livre) la part des géants américains sera la plus grosse (combien Hachette a-t-il vendu du “Tous ruinés dans dix ans ?” de Jacques Attali sur I-Pad, et combien de e-books avec DRM sur l’ensemble des sites de libraires ?). A vrai dire la vente des livres numériques telle qu’elle s’organise se fait essentiellement sans les libraires, dont la portion sera congrue. Connaissez-vous un disquaire qui concurrence I-tunes dans la vente de fichiers numériques de musique ?

Antoine Gallimard, chacun s’en félicite, a déclaré au Point.fr “Il n’est pas question d’avoir qu’un seul fournisseur de contenus. C’est comme s’il n’y avait qu’une seule librairie en France”. Livres Hebdo, de son côté, rapporte que “Eden Reader permettra d’accéder aux livres numériques (…) à partir de la tablette numérique d’Apple.” Et l’hebdomadaire d’ajouter qu’il s’agit là de “l’option qui avait été choisie par Hachette Livre, Albin Michel et Eyrolles dès le lancement de l’I-Pad”.

Précisément : Non.

Apple vend directement les ouvrages de chez Hachette, Albin Michel et Eyrolles. Apple est, de ce fait, un concurrent des libraires qui, pour les livres de ces éditeurs, sont exclus de toute possibilité de commercialisation sur I-Pad.

Eden Reader permet une lecture sur I-Pad, et une vente de fichiers sur différents sites, dont ceux des libraires.

Pour autant la solution d’Antoine Gallimard, qui n’exclut pas les libraires, est-elle satisfaisante ?

Non.

Pourquoi ? Outre des raisons secondaires (Eden+I-Pad, c’est la limite d’un seul appareil de lecture et d’un seul catalogue) il y a cette raison essentielle : la solution Eden tend à récupérer pour le fournisseur une partie essentielle de la relation client (le compte et l’interface de synchronisation dans le nuage). Quel libraire pourrait se réjouir d’une solution dans laquelle la relation client serait maîtrisée par son fournisseur ? C’est mieux que l’inexistence à laquelle nous voue la solution Hachette, Albin, Eyrolles. Mais ce n’est pas satisfaisant.

Alors quoi ?

Il reste l’option suivante : les libraires s’entendent. Ils s’entendent tous, entre eux, collaborent (tous : quels que soient leur taille, leurs réseaux, leurs groupements ou chaînes) et développent une solution ouverte, accessible à chacun, permettant à chaque client un accès à tout le catalogue, synchrone sur tous les dispositifs de lecture, ouverte aux ouvrages non vendus par la plateforme pour consolidation de la bibliothèque du client.

Le portail de la Librairie et des éditeurs initié par le slf, porté et développé par la société PL2I -dont l’ouverture est prévue en octobre- n’a pour encore pas d’expérience de l’internet. Il n’a pas non plus les compétences internes en matière de numérique propres à lui permettre de se saisir d’un pareil dossier. (Si ç’avait été le cas cette question du “nuage” aurait été partie intégrante du projet initial !)
Nous sommes prêts à avancer en collaboration avec les libraires et les éditeurs sur ce sujet, à participer au développement de la solution qui garantirait une présence commerciale du réseau actuel (libraires, chaînes, plateformes…) sur I-Pad. Avec chacun. Sans exclusive. Sans aucune exclusive.

A défaut qu’une entente des revendeurs libraires puisse être envisagée la moins mauvaise des solutions me paraît être de coopérer avec Google.

jeudi 21 janvier 2010

De l’autre côté du miroir

Depuis des années nous quémandons auprès des éditeurs la fourniture de leurs métadonnées pour approvisionner le site internet librairiedialogues.fr.

A dire vrai, en vain, le plus souvent.

A la notable exception d’Editis, des P.U.F et des éditeurs équipés par giantchair.com, auxquels il faut ajouter Thierry Magnier, et très imparfaitement l’école des loisirs, aucun éditeur de la place ne se soucie de prendre au sérieux nos demandes.

Quand les éditeurs de livres, en 1981, voulaient préserver un réseau de libraires et autres revendeurs, riche, dense et varié, les majors du disque faisaient le pari contraire qu’il serait plus profitable de supprimer le réseau de disquaires. Décision funeste. Pour les disquaires. Pour les majors.

Aujourd’hui, n’ayant, pour beaucoup, toujours pas pris la mesure des bouleversements que la révolution numérique entrainera dans l’édition et la librairie, les éditeurs sont en train, par mégarde ou par inertie, de sacrifier leur réseau de libraires revendeurs sur l’internet. Hélas.

A l’heure où, de façon très marginale et modeste, nous passons de l’autre côté du miroir, nous faisant éditeurs nous mettons nos actes en accord avec nos paroles.

A disposition de tous les sites internet de libraires, sans exclusive, et y compris les grands méchants loups d’outre atlantique, à disposition de tous les blogueurs, à disposition de tous les bibliothécaires, à disposition de tous les amateurs de livres, sont disponibles, toutes toutes les métadonnées existantes sur le site de la maison nouvellement créée edition-dialogues.fr.

Des explications claires sont accessibles sur le site, décrivant les différents formats disponibles et les protocoles de récupération. Nous avons mis l'accent sur l'utilisation de standards (ONIX principalement), afin que l'exploitation de ces données ne nécessite aucun développement spécifique.

Bloavez mad.

mercredi 13 janvier 2010

Bis repetita placent ?

Il n’est certainement pas d’usage chez les gens bien élevés de se citer soi-même.
Je voudrais cependant renvoyer mes lecteurs, s’il en est, à mon billet du 23 mars 2009 intitulé « la poule aux œufs d’or ».
Il explique les raisons de la crise du disque telle que, comme disquaire, je les ai vues naître et grandir.
Pourquoi le métier de vendre des disques est-il passé aux mains de apple ?
Principalement non pas, comme ont tenté de le faire croire les petits marquis du disque, en raison du piratage mais pour les trois raisons suivantes :
1. Les majors ont délibérément sacrifié le réseau des disquaires, à leurs yeux trop coûteux et suranné.
2. Ces mêmes compagnies ont, par pusillanimité, négligé de proposer sur l’internet une offre acceptable par les amateurs de disques
3. Elles ont, enfin, construit une politique de prix méprisante, aberrante, inacceptable par les clients.

Il m’arrive de me demander, et pas qu’en me rasant le matin, si dans les métiers de l’édition nous ne vivons pas une phase qui ressemble à la phase 1 de la crise du disque. Par mégarde, par inertie, par manque d’attention à la révolution en cours les éditeurs, depuis dix ans, interdisent, en pratique, l’accès à l’internet à leur réseau de libraires.
Il n’est pas douteux que les éditeurs ont, à l’égard des libraires, de bien meilleures intentions que n’avaient les compagnies du disque à l’endroit des disquaires.
Nonobstant les intentions, bonnes ou mauvaises, les positions prises dans la vente de livres « papier » sur l’internet sont des positions prises pour la vente de livres numériques. Les libraires indépendants en sont dramatiquement absents. Le duopole amazon/fnac est en train de rafler la mise alors que les futurs entrants s’appellent google, apple…
« delenda est Carthago » demandait Caton.
« libérez vos métadonnées » messieurs les éditeurs.

mardi 5 janvier 2010

Dialogues Numérique

Hervé Bienvault alias Aldus Man nous demande ce soir le nombre de titres numériques présents au catalogue de la librairie. Arrêt sur image donc. Et bien, comme le précise, Éric Falconnier de Dialogues - en charge notamment du développement de l'architecture ouverte de la plateforme aux côtés de Frédéric Falempin, Caroline Kernen etc. , le catalogue offre 10501 titres différents. Et l'intégration se poursuit.

Clin d'oeil tout particulier "spécial anniversaire" à Xavier Cazin et l'équipe de publie.net !

lundi 4 janvier 2010

Référencement de données et formats

Alors que les plateformes de distribution numérique poursuivent leur développement, les éditeurs, à travers les structures de diffusion/distribution se mettent(-ils) en capacité d'automatiser le référencement de leurs nouveautés (quel que soit le format, papier ou numérique) dans les bases de données à travers la mise à disposition (import) via service FTP propre ou l'export sur serveur client (des libraires, des BDD interprofessionnelles) de données structurées, au mieux au format ONIX... (?)

Derrière un simple EAN 13, c'est tout un écosystème d'informations indispensables à la vie du livre, qui se donne à voir sur les sites des libraires pour le bénéfice des lecteurs. Encore faudrait-il pouvoir obtenir systématiquement le minimum (la fiche du livre), et ses compléments, nommer et donc tracer (retrouver, savoir qu'elles existent) vidéos, extraits d'ouvrages avec ou sans feuilleteur, podcasts - potentiellement proposés par les diffuseurs.

Encore faudrait-il obtenir très largement l'accès à ces données normalisées sans avoir l'impression de demander les clefs du coffre !

Le jeu en vaut pourtant la chandelle.