mardi 22 juin 2010

Dans les nuages

Dans les années 1970 les hypermarchés ont pris place sur le marché du livre, disputant aux libraires leur part du gâteau. Cette part, réelle, est restée limitée. Dans l’univers numérique (aujourd’hui une petite part du marché du livre) la part des géants américains sera la plus grosse (combien Hachette a-t-il vendu du “Tous ruinés dans dix ans ?” de Jacques Attali sur I-Pad, et combien de e-books avec DRM sur l’ensemble des sites de libraires ?). A vrai dire la vente des livres numériques telle qu’elle s’organise se fait essentiellement sans les libraires, dont la portion sera congrue. Connaissez-vous un disquaire qui concurrence I-tunes dans la vente de fichiers numériques de musique ?

Antoine Gallimard, chacun s’en félicite, a déclaré au Point.fr “Il n’est pas question d’avoir qu’un seul fournisseur de contenus. C’est comme s’il n’y avait qu’une seule librairie en France”. Livres Hebdo, de son côté, rapporte que “Eden Reader permettra d’accéder aux livres numériques (…) à partir de la tablette numérique d’Apple.” Et l’hebdomadaire d’ajouter qu’il s’agit là de “l’option qui avait été choisie par Hachette Livre, Albin Michel et Eyrolles dès le lancement de l’I-Pad”.

Précisément : Non.

Apple vend directement les ouvrages de chez Hachette, Albin Michel et Eyrolles. Apple est, de ce fait, un concurrent des libraires qui, pour les livres de ces éditeurs, sont exclus de toute possibilité de commercialisation sur I-Pad.

Eden Reader permet une lecture sur I-Pad, et une vente de fichiers sur différents sites, dont ceux des libraires.

Pour autant la solution d’Antoine Gallimard, qui n’exclut pas les libraires, est-elle satisfaisante ?

Non.

Pourquoi ? Outre des raisons secondaires (Eden+I-Pad, c’est la limite d’un seul appareil de lecture et d’un seul catalogue) il y a cette raison essentielle : la solution Eden tend à récupérer pour le fournisseur une partie essentielle de la relation client (le compte et l’interface de synchronisation dans le nuage). Quel libraire pourrait se réjouir d’une solution dans laquelle la relation client serait maîtrisée par son fournisseur ? C’est mieux que l’inexistence à laquelle nous voue la solution Hachette, Albin, Eyrolles. Mais ce n’est pas satisfaisant.

Alors quoi ?

Il reste l’option suivante : les libraires s’entendent. Ils s’entendent tous, entre eux, collaborent (tous : quels que soient leur taille, leurs réseaux, leurs groupements ou chaînes) et développent une solution ouverte, accessible à chacun, permettant à chaque client un accès à tout le catalogue, synchrone sur tous les dispositifs de lecture, ouverte aux ouvrages non vendus par la plateforme pour consolidation de la bibliothèque du client.

Le portail de la Librairie et des éditeurs initié par le slf, porté et développé par la société PL2I -dont l’ouverture est prévue en octobre- n’a pour encore pas d’expérience de l’internet. Il n’a pas non plus les compétences internes en matière de numérique propres à lui permettre de se saisir d’un pareil dossier. (Si ç’avait été le cas cette question du “nuage” aurait été partie intégrante du projet initial !)
Nous sommes prêts à avancer en collaboration avec les libraires et les éditeurs sur ce sujet, à participer au développement de la solution qui garantirait une présence commerciale du réseau actuel (libraires, chaînes, plateformes…) sur I-Pad. Avec chacun. Sans exclusive. Sans aucune exclusive.

A défaut qu’une entente des revendeurs libraires puisse être envisagée la moins mauvaise des solutions me paraît être de coopérer avec Google.