vendredi 12 novembre 2010

Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages

La librairie dialogues a été en France l’une des premières à ouvrir sur son site librairiedialogues.fr un rayon de vente de e-books. Un rayon et non pas l’hébergement du “corner” d’un fournisseur. Un rayon spécifique avec des e-books intégrés à la fiche article des livres de telle sorte que l’internaute puisse choisir en un clic d’acheter le livre soit dans sa version papier brochée ou poche soit au format numérique.

Il est dans l’ordre des choses que les accouchements soient douloureux. Et que les premiers pas soient hésitants. Et donc nous avons accepté les à-peu-près de nos fournisseurs, les informations insuffisantes, ou erronées, voire celles qui dans la même fiche article se contredisaient. Nous avons, dès le premier jour, dit notre hostilité aux DRM. Nous avons, dès les premiers couacs, fait remonter à nos fournisseurs les plaintes des clients mécontents de l’usage limité et frustrant qu’ils pouvaient avoir des livres numériques qu’ils avaient achetés. Ainsi ce mail d’un client canadien : “ Pour ma part c’est la dernière fois que j’utilise ce mode d’achat de manuel que je déteste au plus haut point. C’est inconcevable de penser lire un livre technique de cette façon surtout lorsque le graphique est 2 pages avant. $52 cdn pour rien apprendre sauf de ne plus jamais utiliser e-book et ne plus faire confiance à cet auteur qui pense que tout le monde est malhonnête. Est-il pensable d’avoir (…) une permission avec un code pour pouvoir l’imprimer”. Il dit exactement ce qu’il y a à dire des e-books vendus avec DRM.

 Aujourd’hui, c’est fini. Aller plus loin serait nous rendre complices d’une arnaque au lecteur. Nous arrêtons de vendre des e-books avec DRM. Pour trois raisons :

1. La première raison, fondamentale, celle qui à elle seule m’a fait prendre cette décision est une raison d’ordre éthique. Quand on fait du commerce, acte équitable s’il en est, il ne faut pas prendre son client pour un voleur. Vendre un e-book avec DRM pour que le client acheteur ne puisse pas copier-coller son livre, pour qu’il ne puisse pas en imprimer à loisir tout ou partie, pour qu’il ne puisse pas le prêter, c’est se méfier a priori de ce client. C’est le menotter ou penser a priori que ce client est malhonnête. Prendre un client pour un voleur, ça m’est insupportable. Donc ça suffit. Jouez ce jeu-là messieurs les fournisseurs, mes amis, si ça vous chante. Mais sans ma complicité.

2. Accessoirement, les DRM sont une imbécilité technique. Structurellement, fondamentalement, les DRM, ça ne marche pas. Ca n’a jamais marché. Ca ne pourra jamais marcher. Pourquoi ? Parce qu’une DRM c’est une clé cachée soit dans le logiciel nécessaire pour la lecture, soit sur un serveur. Dans le premier cas (celui des DRM d'adobe), un jour ou l'autre la clef sera trouvée (déjà le cas pour adobe), dans le second, le client est soumis au bon vouloir du fournisseur qui peut décider d'un jour à l'autre de couper le serveur, bloquant ainsi la copie d'un appareil à l'autre (cf. Yahoo Music 2008). Mettre des DRM dans des livres, c’est inciter ceux qui aiment se casser la tête sur des problèmes informatiques à chercher et à trouver un moyen de les supprimer ou de les contourner. Et, évidemment, ils trouvent.

Ceux qui cherchent et trouvent pour la beauté du geste démontrent, ce faisant, l’inefficacité des DRM. Puis il y a ceux qui cherchent parce qu’ils ont l’intention de pirater. Ils trouvent parce que les premiers trouvent. Et donc eux aussi, les voleurs, les DRM ne les embêtent pas.

Il y a une catégorie d’usagers que les DRM embêtent. Ceux qui ne sont pas informaticiens. Et ceux qui ne sont pas pirates. Ceux là s’arrachent les cheveux pour installer le logiciel Adobe Digital Editions d’Adobe permettant de lire un e-book, et ils passent des 20 ou des 30 minutes au téléphone avec notre SAV pour essayer d’installer le machin contre quoi ils pestent. Avec ces gens-là les DRM ça marche ! Hourrah ! Manque de chance ça ne sert à rien. Ils n’avaient pas l’intention de voler. Ni celle de pirater. Ni de disséminer. Mais peut-être de prêter leur e-book comme ils prêtent aujourd’hui leur livre Gutenberg. Car les livres Gutenberg, ces bons vieux livres papier, on les prête à loisir. On peut en photocopier des pages, ou un extrait : pour travailler. Pour illustrer un exposé. Pour inciter à lire. Sans que les auteurs s’en trouvent lésés.

3. Et puis il y a une troisième raison pour laquelle nous arrêtons de jouer à ce jeu des DRM qui ont conduit les major-companies du disque, et avec elles les disquaires, au plus bel harakiri industriel de ces dernières années. Cette troisième raison est en forme de question : à quoi, à qui ça sert les DRM si ça emmerde les honnêtes gens et que ça ne gêne pas les voleurs ? Et si tout ça n’était pas une vaste arnaque des Adobe et autres gros revendeurs en « circuit fermé » (Apple – iPad / Amazon – Kindle) pour empêcher les petits poissons (les libraires trop petits) d’approcher du marché. Car enfin sans DRM (il n’y a plus de DRM sur les fichiers musicaux aujourd’hui) aucun libraire n’a de souci pour vendre des e-books aux clients qui souhaitent en acheter. Des e-books sans DRM, alors lisibles sur n’importe quelle tablette (avec DRM les clients de la fnac vont devoir se souvenir que c'est à la fnac qu'ils ont acheté leur livre. Et s'ils l'ont acheté chez Amazon ils vont devoir se souvenir que c'est chez Amazon, et si c'est chez Apple...Pas simple le progrès technique ! Nous allons continuer à vendre des e-books, bien sûr. Sans DRM, ou filigranés.)

Et pour finir, cette remarque : il paraît que les DRM ça sert à protéger les auteurs, en grand danger d’être pillés, privés de leurs légitimes droits d’auteur. Privés de leur moyen de subsistance. Hum ? est-ce qu’ils se sentent pillés les auteurs quand des lecteurs prêtent leur livre à leur entourage? les incitant à lire cet ouvrage qu’ils ont aimé, multipliant le bouche à oreilles, lequel est la meilleure des publicités. Celle qui fait vendre. Oserai-je être iconoclaste ? Si risque il y a, ce que je ne crois pas – le piratage des disques est plutôt moindre maintenant que l’offre légale est techniquement et économiquement acceptable – est-ce qu’un auteur ne serait pas aussi bien rémunéré avec des droits portés à 20% sur le numérique qu’avec des droits à 5% pour l’édition en poche, même avec un peu de dissémination illégale ?

7 commentaires:

  1. Les DRM, c'est sans doute un mauvais choix... mais je sais pour le pratiquer que l'on peut le prêter, le copier, l'envoyer pas mail. Pour celui qui a l'habitude de travailler avec des fichiers sur son ordinateur, cela ne pose pas trop de problème.

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  2. Que l'on arrête avec ces satanés DRM ! Les DRM sont une plaie, une source d'alourdissement pour la gestion des fichiers. Prêter avec un DRM ? ah ben oui, X fois, pas plus ? c'est comme si dans ma bibliothèque (oui je suis bibliothécaire bénévole dans un petit village) je disais à mes usagers : "cela fait six fois que vous empruntez ce livre, je vous refuse le nouveau prêt". Stupide, stérile, inefficace. Je ne travaille pas avec cela, donc j'ai plus de liberté pour échanger, copier...
    Le précédent commentaire fait preuve de peu de connaissance du milieu des ereaders ou liseuses : j'adore le Nook de Barnes & Noble (le père Noël me le prépare pour le 25 !) pourquoi devrais-je être obligé de lire des ebooks achetés sur Amazon ou la Fnac ? j'ai fait le choix d'une plate-forme non exportée en France (pour des questions de droits et de propriété intellectuelle, c'est fatigant), pourquoi devrais-je être obligé d'acheter uniquement chez B&N (ce qui théoriquement est impossible... théoriquement) ? Je veux être libre de mon choix. Bien évidemment, je peux faire sauter les verrous ! Je suis plutôt fainéant... mais cela ne demande pas beaucoup de connaissance, un tout petit peu.
    Le dernier paragraphe de l'article pointe sur l'essence même de la culture. C'est, à l'instar de toute création vivante, un système qui ne peut se développer s'il n'y a pas de partage, d'échange. La culture s'épanouie dans l'échange : il y a du sentiment (amour, haine, regret, envie). DRMisé la culture c'est la castrer.
    Ce n'est pas le piratage en soi qui est problématique (c'est même un épiphénomène : l'arbre qui cache la forêt). Comme indiqué par l'article ce sont les prix et les taxes.
    Je salue donc ce geste de la part de la librairie Dialogues !
    Bon courage.

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  3. Félicitation pour votre courageuse (et sensée) décision !

    Votre argumentaire ressemble beaucoup à celui développé par Baen, éditeur qui via sa plateforme Webscription vends des ebooks sans DRMs et sous divers formats depuis une dizaine d'année et ne s'en est jamais mal porté, au contraire !!

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  4. Je ne comprend pas. Vos CGV indique la phrase suivante "Les fichiers des items numériques proposés sur la librairie d’items numériques sont protégés par des mesures techniques de protection ou systèmes de Digital Rights Management,"

    Si il n'y a pas de drm, il faut le préciser..

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  5. Bonjour,

    les DRM sont effectivement une plaie que l'on doit contourner si on veut vraiment utiliser l'œuvre achetée. C'est une bonne chose que de ne plus proposer de livres avec DRM mais, malheureusement, cela diminue d'autant la liste des romans disponibles sous ce format.

    J'espère que votre opposition à ce format de "protection" forcera les éditeurs de romans à proposer d'autres epub sans DRM.

    Bien cordialement,

    Patrice HARDOUIN

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  6. Il y a DRMs et DRMs! Ceux "à la Amazon ou Founder" sont indolores, et utiles, car pour les livres de nouvelle génération, il va falloir protéger plus que les seuls contenus classiques. Ceux passant en France par des plates-formes intermédiaires web sur l'internet sont souvent impraticables.

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  7. un site de comment supprimer les DRM de livres numériques, je vous partage ici:
    http://www.epubor.com/supprimer-drm-amazon-kindle-azw-ebooks.html

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